Relation Maroc France

L’histoire des relations entre le Maroc et la France au XVIIe siècle est marquée par un épisode fascinant et méconnu : la demande en mariage du sultan Moulay Ismaïl Ibn Chérif pour la fille du roi Louis XIV. Un événement qui, s’il avait abouti, aurait scellé une alliance inédite entre les deux puissances.

Au croisement de l’histoire, de la diplomatie et de l’imaginaire collectif, la demande en mariage formulée par le sultan marocain Moulay Ismaïl à l’égard de Marie-Anne de Bourbon, nièce du roi Louis XIV, reste l’un des épisodes les plus intrigants des relations entre le Maroc et la France au XVIIe siècle. Ce projet d’union, proposé entre 1699 et 1701, dépasse largement le simple cadre romantique : il s’inscrit dans un contexte de rapprochements diplomatiques, de négociations commerciales, et de jeux de pouvoir entre deux grandes monarchies, l’une chrétienne et européenne, l’autre musulmane et nord-africaine.

Un sultan à la recherche d’une épouse royale

Moulay Ismaïl, qui régna sur le Maroc de 1672 à 1727, était connu pour son autorité implacable, ses ambitions diplomatiques et… son impressionnant harem. Il aurait eu des centaines d’épouses et concubines, mais son intérêt pour une princesse française dépassait la simple quête d’une nouvelle épouse.

À l’époque, la France et le Maroc entretenaient des relations fluctuantes, oscillant entre échanges commerciaux et tensions maritimes. Dans ce contexte, Moulay Ismaïl chercha à renforcer ses liens avec la cour de Louis XIV en demandant la main d’une de ses filles. Son choix se porta sur Mademoiselle de Blois, née de la relation entre Louis XIV et sa maîtresse, Madame de Montespan.

Une demande qui intrigue la cour de France. L’idée d’un mariage entre une princesse française et un souverain musulman fut accueillie avec étonnement à Versailles. Louis XIV hésita : une telle union aurait pu consolider les relations franco-marocaines et favoriser les échanges commerciaux, mais elle soulevait aussi des questions politiques et religieuses.

Les diplomates français prirent la proposition au sérieux et envoyèrent des émissaires pour négocier. Cependant, plusieurs obstacles rendaient ce mariage improbable :

Les différences religieuses, le catholicisme étant central dans la monarchie française.

Le mode de vie de Moulay Ismaïl, dont le harem et le règne autoritaire ne correspondaient pas aux attentes d’une princesse européenne.

Le refus probable de Mademoiselle de Blois, qui, bien que bâtarde royale, restait une noble habituée au raffinement de Versailles.

Une réponse implicite de Louis XIV

Plutôt que de refuser directement, Louis XIV usa de diplomatie. Il ne donna jamais de réponse officielle à Moulay Ismaïl, laissant le temps faire son œuvre. En réalité, la cour française ne pouvait envisager une telle union sans froisser ses alliés européens et l’Église catholique.

Malgré cette issue, les relations entre la France et le Maroc restèrent fortes. Moulay Ismaïl poursuivit son règne en consolidant son empire, tandis que Louis XIV continua d’étendre son influence en Europe.

Un mariage qui aurait pu changer l’histoire

Si cette union avait eu lieu, elle aurait marqué un tournant inédit dans l’histoire des relations entre l’Europe et le monde musulman. Le Maroc aurait bénéficié d’un lien privilégié avec la France, tandis que Versailles aurait eu un pied dans la politique nord-africaine bien avant l’époque coloniale.

Les échanges diplomatiques entre le Maroc et la France

À partir de la fin du XVIIe siècle, les contacts entre le royaume de France et le Maroc se sont intensifiés, notamment à travers le commerce, les négociations sur la libération d’esclaves européens capturés par les corsaires marocains, et des alliances stratégiques contre des ennemis communs comme l’Espagne.

Moulay Ismaïl envoya plusieurs ambassades à Versailles pour établir des relations diplomatiques avec Louis XIV. Parmi les figures marquantes de ces échanges, on trouve l’ambassadeur Abdelkader Perez, qui fut reçu en grande pompe à la cour du Roi-Soleil en 1699.

Comment la demande en mariage est née ?

D’après des correspondances diplomatiques, Moulay Ismaïl exprima le souhait d’épouser une princesse française dans le but de renforcer l’alliance entre le Maroc et la France. Son choix se porta sur Mademoiselle de Blois, une fille illégitime de Louis XIV et de Madame de Montespan, reconnue et élevée à la cour.

Les négociations furent menées à travers des émissaires et des lettres échangées entre les diplomates marocains et les représentants du roi de France. Louis XIV ne refusa pas directement, mais il ne donna jamais suite officiellement à la demande, préférant maintenir de bonnes relations sans aller jusqu’à une telle union.

Bien que cette alliance matrimoniale n’ait jamais abouti, elle témoigne de l’ambition diplomatique de Moulay Ismaïl et de l’importance des relations entre la France et le Maroc à l’époque.

Une Demande Stratégique Plus que Romantique

Plutôt qu’une histoire d’amour, cette demande en mariage relevait d’un calcul diplomatique :

Se rapprocher de la France pour contrer l’Espagne et d’autres puissances européennes.

Obtenir un prestige supplémentaire en épousant une princesse française.

Affirmer la puissance du Maroc sur la scène internationale.

Bien que Louis XIV n’ait jamais accepté, cet épisode montre l’audace et la vision stratégique de Moulay Ismaïl, qui voulait inscrire son royaume dans le jeu des grandes puissances de l’époque.

La fille de Louis XIV que Moulay Ismaïl souhaitait épouser était Marie-Anne de Bourbon, aussi connue sous le titre de Mademoiselle de Blois. Née en 1666, elle était la fille illégitime du roi Louis XIV et de sa maîtresse Madame de Montespan, mais fut officiellement reconnue par son père. Elle reçut une éducation noble à la cour de Versailles et fut mariée en 1680 au prince de Conti, un membre de la haute aristocratie française.

Moulay Ismaïl, cherchant à renforcer ses liens diplomatiques avec la France, demanda sa main, mais Louis XIV ignora la requête, préférant éviter une union aussi inédite entre une princesse française et un souverain musulman.

Aujourd’hui encore, cet épisode intrigue les historiens et illustre l’audace diplomatique de Moulay Ismaïl, un souverain qui voyait grand, aussi bien sur le champ de bataille que dans ses alliances matrimoniales.

Bibliographie :

1.      Abun-Nasr, Jamil M. – A History of the Maghrib in the Islamic Period (Cambridge University Press, 1987).

2.      Pétré-Grenouilleau, Olivier – Les traites négrières: Essai d’histoire globale (Gallimard, 2004).

3.      Miege, Jean-Louis – Maroc et Europe, 1578-1843 (L’Harmattan, 2004).

4.      Dutour, Thierry – Louis XIV et le monde: Le rayonnement de la France (CNRS Éditions, 2015).